Les expériences cinématographiques de Robert Breer : arythmies, anti-continuités et autres "dérives à perte"

Publié le 9 novembre 2019 Mis à jour le 25 mai 2021
le 14 juin 2021 en visioconférence

Sous la direction de Patrick Barrès (en partenariat avec NEF Animation)

Christian Lebrat caractérise le cinéma de Robert Breer comme une expérimentation sur « le (dé)collage visuel, la dysfonction image et son, les déplacements sémantiques multiples et imprévus ». Ces inflexions constituent le sujet même des films et ce qui fait événement lors de leur projection. Elles sont intégrées à une recherche sur les formes de mouvement, sur les matériaux d’une « anti-continuité » et l’expérience de « dérives à perte » (JeanFrançois Lyotard). Les communications porteront sur ces différents régimes plastiques et esthétiques, caractéristiques des recherches cinématographiques de Breer, et sur la question des « seuils de définition artistique et esthétique » posée par les relations entre les films, les peintures et les sculptures.


PROGRAMME
 

14h00 Patrick BARRÈS

Défier le film.
Robert Breer définissait son programme de recherche en termes de « défi », un défi lancé aux formes d’expression, un défi caractérisé par une expérimentation à rebondissements et une invention continue, sur tous les plans, conceptuel, poïétique et esthétique. Cette introduction à la journée d’étude portera sur les moteurs de création et les motifs esthétiques à l’œuvre dans ses films, avec un focus sur les arythmies, les « anti-continuités » et les « dérives à perte », considérées comme des lignes de force de son chantier de création.
 

14h30 Pascal VIMENET

Robert Breer : éloge de l’excentrique / une journée flottante.
Robert Breer se serait sans doute amusé du rétrécissement de cette journée d’études – notamment nourrie par la notion de « dérives à perte » – rétrécissement dû à un misérable virus, organisme invisible mais dévastateur, à l’image de ce qui travaille sourdement le chaos dans l’œuvre de Breer. Il y a de l’excentrique dans l’air. Au contact de Breer, les journées peuvent devenir flottantes. D’emblée en prise avec son univers plastique, pictural, filmique et sculptural, lors de notre rencontre en 2006 à Annecy, j’imagine en porter témoignage aidé des rushes filmiques que j’ai conservés en souvenir de ce moment… excentré et excentrique. Ainsi pourrons-nous circuler, de manière hélicoïdale probablement, entre plusieurs strates : du créateur à ses dadas, à ses objets, à son exposition du moment et à ses films. Et jouer de certaines résonances contemporaines…

Discussion
 

15h30 Carole HOFFMANN

Continuité, discontinuité. Robert Breer, entre rationalisation et liberté d’expression.
Robert Breer est né à Détroit en 1926, haut-lieu du développement industriel automobile américain où son père était ingénieur et designer chez Chrysler, et lui-même fut ingénieur, avant de s’adonner à la création, où il révéla son grand intérêt pour la mécanique (sculptures cinétiques, œuvres flottantes et objets motorisés) et pour le cinéma d’animation. Détroit était alors le royaume de Ford, pionnier de l’automobile construite en séries identiques, normalisées, standardisées. Comment cette continuité du mouvement normalisé s’est-elle inscrite dans la pratique de Robert Breer (« unité de cinéma » dans Image by image ; voix mécanique de Noël Burch dans le texte de Recréation...) ? Et comment s’affranchit-il des codes et produit-il de la discontinuité, fruit des effets de variation et de modulation au sens de Deleuze, de jeux plastiques d’emboîtements, de superpositions, de surimpressions (Blazes) et de métamorphoses (Horse over Tea Kettle), d’accumulation de matière, et d’effets de textures (Fuji) ? Bergson écrivait que « tout mouvement [est] absolument indivisible. » Robert Breer, quant à lui, révèle la discontinuité que peut contenir la continuité.
 

16h00 Samuel KACZOROWSKI

Trouées : étendues in et extrinsèques dans le cinéma de Robert Breer.
En affichant successivement cercles et rectangles, tracés en positif (noir sur blanc) puis en négatif, avec une durée d’exposition de l’ordre du douzième de seconde, Robert Breer perturbe, dans son film Blazes (1961), la reconnaissance de l’espace de projection que produit une alternance rapide de surfaces informées et de vides. Ce faisant, il renverse l’action inaugurale du tableau d’Alberti en situant tantôt dans, tantôt hors du quadrangle veduta l’espace où, selon Gérard Wajcman, « du visible va advenir »